1 RENCONTRE (POUR LA FÊTE DES MÈRES) – ASMA, LA MÈRE COURAGE

La maîtresse des lieux est une mère courage, stricte et affable. Elle est aussi une reine de l’anachronisme, femme remariée aujourd’hui scolarisée vivant dans une maison avec l’eau courante depuis trois ans, mais toujours sans électricité.

Je lui racontai alors l’histoire imaginée par une plume française de ces deux amis de la Russie sibérienne qui coupèrent poteaux et courant électrique pour faire l’amour à leurs femmes à la seule lueur tremblante d’une bougie. Elle a beaucoup ri et m’a promis qu’elle n’oublierait jamais cette histoire, surtout le jour où se reflètera sur sa peau hâlée la lumière blafarde d’un néon.

Un soir de discussions dans ce tableau berbère digne d’un Georges de La Tour, elle se confie. Son fils aîné est mort, tout comme son premier mariage. Son union avec Saïd en est une seconde. Entre ces deux événements, elle a vécu ce que beaucoup (trop) expérimentent. Elle avait répondu à une annonce en quête de femmes esseulées. La promesse ? Ramasser des fraises en Espagne. Elle est donc partie pour ce qui fut une forme à peine dissimulée d’esclavage moderne tant l’ingratitude de ce travail fut grande. Pire, la corvée s’accompagna d’une confiscation de ses papiers. A son retour difficile en terres marocaines, cette cueillette des fruits de la honte a semé les fruits de sa colère. Au souk, si un commerçant venait aujourd’hui à lui offrir des fraises, elle n’en voudrait même plus, elle qui les aimait tant pourtant.

Ce soir-là, ayant le verbe volubile, elle me parle sans transition de ses kilims, des tapis qu’elle réalise elle-même sur un métier partagé avec plusieurs femmes du village, laissant alors ‘libre cœur’ à son inspiration grâce aux symboles qui y fourmillent. Des dessins qui rappellent des pans de vie analphabète à celle qui, enfant, n’allait pas à l’école. Aujourd’hui, à 30 ans et des poussières, elle y va trois fois par semaine. Elle y confirme sa frustration de ne pas avoir pu y venir plus tôt, autant qu’elle savoure chaque instant d’enseignement. Lorsqu’elle est de retour à la maison, elle me raconte ses cours d’arabe et de français notamment. Bercée par ses paroles et sa gentillesse, j’ai l’impression d’être avec une nouvelle maman, alors que nous aurions plus de chance d’être jumelles, tant nos naissances furent rapprochées.

Texte & photo 100 escales – E.K.

P.S. Pas de portrait sur toi aujourd’hui, mais toutes mes pensées te sont évidemment consacrées. Bonne fête Mimouchette Maman !

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